Fondatrice du site AgeVillage.com, magazine d’informations en ligne pour les personnes âgées et les proches aidants et directrice des formations Humanitude vers le label de bientraitance*, expose les essentiels de réussite d’un projet d’habitat collectif.
Les clés de la réussite d’un projet d’habitat inclusif ?
Deux notions phares sont à intégrer dès le départ : le choix du modèle économique et sa pérennisation dans le temps et ensuite la fidélité aux valeurs et aux principes érigés à l’origine du concept.
Je m’explique :
L’habitat collectif : ce sont des logements individuels et des services, voire des personnels à disposition du collectif.
L’importance du choix du modèle économique est capitale. Les concepteurs du projet sont les garants du devenir des habitants. Si la structure financière évolue, si de nouveaux acteurs autres que ceux de départ entrent en scène, si le porteur de projet quitte le projet… C’est un contrat à durée indéterminée qui est proposé aux habitants, d’où la nécessité de bien sécuriser le modèle économique, qui doit être viable dans le temps, c’est une « obligation morale » que l’on doit aux habitants (à ceux du départ et aussi à ceux qui viendront ensuite).
La seconde notion, c’est bien évidemment le contenu du projet social.
Affirmer des principes, des valeurs c’est bien, les mettre en œuvre : c’est mieux. L’enjeu est d’assurer là aussi leur pérennité dans le temps. C’est essentiel.
Lorsque le senior signe pour intégrer une structure, il le fait sur la base de valeurs, de règles. Bien sûr ces règles peuvent évoluer, mais toujours en tenant compte des besoins de tous les habitants.
Parmi les pièges, le collectif peut dériver vers des automatismes qui ne sont plus les ambitions et les valeurs de départ, le groupe prend alors le dessus sur les singularités.
Vous reprenez dans votre cheminement / dans vos interventions ; les notions de « choix minuscules et de libertés minuscules », mises en avant par le sociologue Michel Billé. De quoi parle-t-on ?
L’un des principes de la vie en collectif à affirmer dès le départ : c’est la nécessité absolue de respecter les individus, leurs choix, leurs singularités. Et on le sait bien, la singularité de chacun bouscule celle de l’autre.
Et qu’il s’agisse d’un habitat collectif ou individuel, je respecte l’intimité et le chez soi des gens, je ne rentre pas délibérément dans l’intimité de l’autre si je n’ai pas été invité.
Cette notion, on l’observe dans les établissements médico-sociaux… Et derrière les mots et les intentions, il y a un niveau de compétences qui ne s’improvise pas, surtout lorsque l’on accompagne des situations difficiles.
Ce n’est pas parce que la personne est en perte d’autonomie que je peux briser cette règle. Avant d’entrer dans une chambre en EHPAD, le professionnel de santé frappe à la porte, annonce son intention d’entrer en contact avec la personne et attend sa réponse… quitte à reporter son entrée.
C’est l’un de points de départ du label Humanitude, qui forme les professionnels pour la bientraitance des résidents en maison de retraite et plus largement dans les établissements médico-sociaux.
Et même lorsque la personne est en situation de vulnérabilité extrême, elle doit pouvoir exprimer ses libertés et ses choix aussi minuscules soient-ils.
Alors, en habitat collectif, comment s’assurer de la durabilité dans le temps des principes de départ ?
Bien évidemment, le rôle des professionnels est fondamental. Ils sont les premiers garant de la viabilité du projet commun. Si dans le projet Maison de la Diversité, un professionnel est chargé d’animer le projet social, il en est le premier responsable. On pourra aussi compter sur le collectif d’habitants, réuni par exemple en « conseil des habitants », (Conseil de la vie sociale en établissement médico-social), en « conseil des sages », même si la sagesse n’attend pas le nombre des années, et devient-on un jour sage ?
Pour mesurer objectivement la valeur de l’impact social, de façon permanente et continue, il peut être aussi utile de faire appel à une structure indépendante.
Cette mesure du respect des règles et du projet, c’est le principe de fonctionnement du label Humanitude ou encore de la démarche de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) pour des villes, des territoires labellisés « Amis des ainés »*.
Pour obtenir ces labels, les structures et les dispositifs sont évalués de façon indépendantes. Elles peuvent perdre ces distinctions sachant que les « évaluateurs » peuvent tout entendre : ils ne sont pas là pour sanctionner, ils accompagnent et ils conseillent pour réorienter le projet.
Le lien social évident et spontané : je ne crois pas qu’il se pérennise sans structuration, sans outils professionnels d’accompagnement et de pérennisation, sans une évaluation régulière du projet.
Dans le cadre de votre projet Maison de la Diversité, les seniors ont participé au départ à la définition du contenu et ont posé des règles dans les ateliers de co-création. Lorsqu’ils habiteront ensemble, ils devront poursuivre ce travail, en lien avec tous les acteurs du projet, les concepteurs, la collectivité, les partenaires… Tout le monde à un rôle à jouer dans cette partition.
www.agevillage.com
www.lelabelhumanitude.fr